Par Hélène Dorey, publié en décembre 2019.
Chaque été, plusieurs centaines de festivals se déroulent un peu partout en France. Si l’accès au cinéma s’est largement amélioré, qu’en est-il des festivals ?
Existe-t-il des dispositifs permettant aux publics aveugles et malvoyants de se glisser dans la peau d’un festivalier, le temps d’une soirée ? Réponse.
Quand on pense accessibilité d’un lieu culturel, on pense essentiellement accessibilité physique. Un facteur effectivement limitant, mais imaginons que celui-ci est accessible aux personnes aveugles et malvoyantes, qu’en est-il alors de la perception, de la compréhension du spectacle (opéra, danse…) ?
Les amateurs de cinéma ont l’audiodescription et ceux des festivals (qui sont souvent les mêmes) ont eux les Souffleurs d’Images. Une initiative hors du commun, à notre connaissance la seule de ce type dans l’hexagone. Catherine Mangin, responsable du service Souffleurs d’Images en explique le fonctionnement. « Un bénévole accompagne une personne malvoyante ou non-voyante en amont, pendant et même après la représentation. C’est une formule à la carte, le bénévole s’adapte aux besoins et aux envies de la personne. Il peut la retrouver à l’arrêt de bus ou devant le lieu culturel. Description de l’affiche, puis dans la salle du décor, lecture du programme… Certaines personnes ont parfois envie qu’on leur parle des couleurs, d’autres que l’on emploie ou pas des termes de théâtre… Elles décident. » Côté pratique, il suffit de prévenir quinze jours à l’avance pour le théâtre et uniquement deux pour un festival. Les bénévoles étant le plus souvent festivaliers. Jean Issartier, qui habite à Aix-en-Provence, adepte des Souffleurs d’Images depuis leur création, il y a dix ans, apprécie cette souplesse, mais c’est évidemment bien autre chose qu’il vient chercher. « Il n’est pas question d’une voix préenregistrée, mais au contraire de rapports humains. Il s’agit d’échanges, il n’est d’ailleurs pas rare que nous allions après le spectacle boire un verre pour poursuivre la conversation. »
RENDEZ-VOUS AU FESTIVAL D’AVIGNON EN 2020
« Grâce à cette initiative, je peux assister à de nombreuses pièces à Paris, c’est une chance », poursuit Jean Issartier. « Avant je me débrouillais seul et, comme le font les personnes handicapées, j’avais mis au point diverses stratégies, comme me placer au premier rang pour bien entendre, privilégier les spectacles avec peu de comédiens et les one man shows, car le visuel est moins important. J’ai tenté des spectacles sur de grandes scènes, comme celle du théâtre de la Criée à Marseille, mais je suis sorti frustré, car je n’ai rien compris. Un regret donc qu’il n’y ait pas de souffleurs en province ».
Camille Mangin est bien entendu consciente de ce manque et travaille activement sur le sujet. « L’objectif est à terme de développer cette pratique en région. Le principal frein étant l’accessibilité des structures en transports. Mais nous avons de bons relais et des partenariats en vue. La saison dernière (juillet 2018 à juillet 2019), 260 personnes ont fait appel à notre service en Ile-de-France, c’est un record. Entre août et octobre 2019, elles étaient déjà 70. »
Quant à Jean Issartier, il sait déjà qu’il sera présent, comme en 2019 et les années précédentes, à Avignon.
Les souffleurs (étudiants en école d’art, médiateurs dans un musée en activité ou en retraite, conférenciers, danseurs…) répondent aussi présents, puisque les formations, qui comptent de 8 à 16 participants à chaque séance, font le plein. Ainsi 2020 s’annonce sous les meilleurs auspices. « Nous avons 90 salles de spectacle partenaires et nous en aurons encore davantage en 2020 »,assure Catherine Mangin. Un tel service est en effet primordial pour les personnes qui avaient l’habitude d’assister à des spectacles avant un accident de la vie, les non-voyants de naissance et bien entendu les enfants. Le plus jeune bénéficiaire est un petit garçon de 7 ans qui rêvait de visiter le château de Versailles et sa fameuse galerie des Glaces. Grâce aux souffleurs, c’est chose faite depuis cet été. Qui a dit que les jeunes ne s’intéressaient pas à l’art ?