France 24 : “Covid-19 en France : quel accès aux contenus culturels pour le public aveugle durant le confinement ?”

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Texte par Laura Welfringer, publié le 13 avril 2020.

Depuis l’instauration de mesures du confinement en France, beaucoup d’acteurs culturels ont misé sur le numérique pour continuer de nourrir la curiosité de leurs publics habituels. Mais pour les personnes aveugles ou malvoyantes, la dématérialisation de la culture pose plus que jamais la question de son accessibilité.

“On serait vraiment très démunis si on n’avait pas accès au numérique”. D’une phrase, Pierre Marragou, président du GIAA/apiDV, résume les conséquences de la pandémie de coronavirus sur son association, dont le but est d'”accompagner, promouvoir et intégrer les déficients visuels”.

Depuis la fermeture en France des “lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays”, l’offre de nombreux acteurs culturels s’est reportée sur la Toile. Mais les visites guidées au musée pour le public aveugle ou malvoyant ont été suspendues. Pierre Marragou a donc lancé une info-lettre, “des Temps Confinés”, pour relayer podcasts, émissions de radio, livres audio et informations générales à destination des déficients visuels, soit environ 1,7 million de personnes d’après la Fédération des aveugles et amblyopes de France.

Pour ses bénéficiaires les moins connectés – souvent les plus âgés – le GIAA/apiDV a mis en place un système d’appel systématique. Une manière d’atténuer leur isolement, dans un contexte de dématérialisation accélérée de la vie sociale, qui “pose de façon très flagrante la question de l’accessibilité numérique. […] Accessibilité, aussi, de l’offre culturelle sur Internet”, constate Pierre Marragou.

Aujourd’hui encore, beaucoup de sites échappent aux systèmes de synthèse vocale qu’utilisent les aveugles, parce qu’ils manquent de contenus en audiodescription ou contiennent de nombreuses photos.

Pourtant, “le droit à la culture est le même pour tous”, souligne Adeline Coursant, directrice du Centre de Transcription et d’Édition en Braille (CTEB). Malgré le Covid-19, son entreprise n’a pas cessé de fabriquer des ouvrages à l’adresse de ceux qui maîtrisent le braille – 15 % des aveugles, selon l’association Valentin Hauÿ.

Quotidiennement, un technicien du centre actionne ses machines de reprographie. Les volumes sont envoyés aux lecteurs chaque jour que fonctionne la Poste. Mais les commandes individuelles ont accusé une “petite baisse”, relève Adeline Coursant, qui s’était réapprovisionnée en papier spécial à la veille du confinement. Coûteux à produire, “les livres que l’on vend sont quand même très chers”, observe-t-elle. Or, “en période de confinement, les gens font un peu plus attention à leurs dépenses”.

Liens de téléchargement et visites à distance

De son côté, l’équipe du GIAA/apiDV, en télétravail, continue de gérer la Bibliothèque Numérique Francophone Accessible (BNFA) en partenariat avec l’association BrailleNet. Transcription de livres et revues, enregistrement de voix et envoi des fichiers sonores aux déficients visuels ou à leurs proches. Signe des temps (de confinement) : les liens de téléchargement ont remplacé les CD. “On essaie de faire au mieux”, relativise Pierre Marragou.

Pour pallier la fermeture des lieux culturels, le Centre Recherche Théâtre Handicap (CRTH) a, quant à lui, adapté son service de “Souffleurs d’images”. Au lieu d’accompagner les déficients visuels au musée ou au spectacle pour leur décrire des œuvres au creux de l’oreille ou dans la paume de la main, les artistes bénévoles proposent des “soufflages à distance” par téléphone, sur la base de contenus mis en ligne par des institutions comme la Rmn-Grand Palais, le Musée d’arts de Nantes ou le Metropolitan Museum of Art de New York.

Devenue aveugle “il y a plus de 20 ans”, Brigitte C. “savoure” cette nouvelle offre culturelle, qu’elle qualifie de “dépaysement” propice à “développer une image mentale” de différents types d’œuvres. “Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait un tel rebond”, avoue Catherine Mangin, responsable du service au CRTH, qui a reçu 56 demandes du 20 mars au 10 avril. Preuve que “l’échange direct, le fait d’avoir quelqu’un d’humain au bout du fil” compte particulièrement en temps de confinement.

Consultez l’article original, sur le site de France 24, en suivant ce lien :https://www.france24.com/fr/20200413-covid-19-en-france-quel-acc%C3%A8s-aux-contenus-culturels-pour-le-public-aveugle-durant-le-confinement